Peindre l’arbre

Peindre un arbre (extraits du livre Portraits d’arbres)

Notes de carnets :

L’arbre peut amener la compréhension que le particulier et l’universel se confondent. L’arbre peut faire éprouver sa singularité, son unicité, et il paraît alors plus proche de nous qu’il n’y paraît, plus semblable, un ami.

Un arbre qui occupe une place centrale n’obstrue en rien ce qui est autour de lui, mais au contraire dévoile le ciel, étend notre perception du sol, des alentours. L’arbre qui semble vivant devant moi fait revivre ce sur quoi mes yeux se posent, il m’assigne la possibilité de sentir la douceur de ce moment. Peindre un arbre, c’est aussi s’effacer pour qu’il puisse se déployer en puisant dans mon expérience de la peinture, et souffrir le moins possible de « mon feu », de mon orgueil, de mes craintes et incertitudes. En le mettant dans une position centrale, j’admets qu’il peut l’occuper, et qu’il suffit.

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Comment évoquer tout cela sans se confronter au simple, au réel ? Comment chercher dans la créativité cette force, si la créativité me pousse à me dérober à ce qui doit être dit, peint ? Un arbre que je croise, s’il m’appelle à être peint, comment parler de lui, de sa simplicité, si j’ai peur de l’idée même de le peindre ? Certes parfois, c’est le bruissement des feuilles qui m’aura touché, alors je dois peindre ce bruissement sans avoir peur de cet affrontement.

Je parle en fait de mes recherches sur le tulle, où l’effet de transparence des couleurs devenait un prétexte pour ne pas peindre, ce qui est pourtant la source de cette nécessité. Je peignais l’idée d’une transparence, je jouais avec l’idée de la créativité, du tulle, de sa prise dans l’espace, pour ne plus avoir à me soucier du réel. Les idées créatives doivent servir ce but de chercher le vrai, sinon elles sont un leurre.

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Portrait d’arbres : il y a l’idée du portrait, c’est à dire peindre un être qui est devant soi, découvrir l’âme qui est derrière, essayer d’en peindre l’essence. C’est bien le seul moyen de ne pas être attaché à la volonté d’acquérir une certaine ressemblance visuelle. Donc dans le portrait, on est aussi redevable de la personne que l’on peint, elle a un regard sur notre travail et surtout on est redevable de la peindre sans caricature, sans faire de raccourci et donc en essayant d’être au plus prêt de la vérité. Quand je fais un portrait d’arbre je me sens aussi redevable de l’arbre en face de moi. Certes il ne peut pas voir mais il est quand même là, comme un miroir de ce que je peins. S’il n’a pas d’yeux pour voir, moi je l’ai vu, ou plutôt il s’est laissé voir, et ce que j’ai vu je dois y être fidèle. Sa sérénité, sa paix, sa constance, voilà envers quoi ma peinture est redevable.

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Les arbres m’ont appris la peinture. La couleur, les ombres les lumières. les écouter, les suivre, leur mouvement. Je ne sais rien sans eux, ils sont mes maîtres.

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