Les maîtres en ces lieux (extraits du livre Portraits d’arbres)
Notes de carnet :
Il y avait à côté de chez nous de grands thuyas qui avaient grandi en toute liberté au stade municipal de Thomery. J’aimais, après avoir parcouru leurs branches souples jusqu’à leur sommet, me jeter en avant dans le duvet de leurs branches.
La sensation était loin d’être duveteuse, c’était plutôt un tourbillon jusqu’à la collision avec les graviers du sol dans un bruit sourd. Mais toujours il y avait cette sensation étrange d’avoir été déposé là, par ces arbres, protégé tout au long de la chute. Cette expérience était comme un gage de confiance, si bien que la fois où je suis tombé d’un tilleul du jardin, là où pour d’autres enfants sans doute c’eût été vivre la désillusion d’une protection sans mesure, ou cela aurait pu engendrer une peur, une méfiance, je regrimpais aussitôt rétabli dans l’arbre avec la même confiance que je lui accordais, avec au fond de moi la leçon de cette chute : je n’étais pas maître en ces lieux.