Deux expositions en mars : “Le Dedans du dehors” à Meudon / “Les vagues du grand souffle à travers les arbres” à Barbizon

Deux expositions en mars : “Le Dedans du dehors” à Meudon / “Les vagues du grand souffle à travers les arbres” à Barbizon

Un bon article au sujet de cette exposition dans le Télérama du 13 février. Le critique d’art nous donne la note de trois “T”.

松涛 (Songtao) Les vagues du grand souffle à travers les arbres

du 22 au 26 mars 2023 à la galerie 39 à Barbizon avec Liying Xie
39 rue grande, 77630 Barbizon
Du mercredi au vendredi : 14h-19h
Samedi et dimanche : 10h-19h
Vernissage à partir de 18h30 le vendredi 24 mars

Je serai personnellement présent le mercredi, vendredi et dimanche

Dans une forêt, nous ne pouvons voir la multitude des arbres qui se cachent les uns derrière les autres, ni leurs cimes mouvantes. Dans leur feuillage, nous entendons parfois comme des vagues qui passent, une houle qui avance, comme la rumeur de la mer.

C’est l’appel à entrer dans cette forêt, oser monter sur un radeau fragile, prendre le large, se retrouver seul avec elle, avec ses éléments.

Chacun à sa manière, Liying Xie et Mathieu Wührmann éprouvent le besoin de se mettre en contact avec ce réel de la forêt. Sentir les forces qui la traversent, être confronté aux mouvements, aux souffles, aux lumières. Se mettre au diapason d’un rythme qui entre alors en soi, le frémissement d’une feuille, le mouvement souple des branches, le foisonnement constant de la vie qui l’habite.Le pinceau suit le regard, attiré par ce souffle et cette force invisible. C’est un sillon qui se trace, cette profondeur cachée semble soudain accessible

Visites d’atelier

Mon atelier sera ouvert les dimanches 30 octobre, mercredi 2 novembre, dimanche 6 et mercredi 9 novembre.

De 14h à 18h.  (ou sur rendez-vous)

Venez m’y retrouver !

Dans la rue qui descend vers le château en partant de l’église, au 26 rue Paul Séramy, 77300 Fontainebleau

Fra Angelico

Cet arbre d’un autre temps (extraits du livre Portraits d’arbres)

Notes de carnets :

En parlant de jeux d’enfants, comme j’aimerais jouer à celui de Fra Angelico, quand il place sur ses ailes d’anges une multitude de plumes colorées, ou quand après avoir fait briller la tunique de Saint Augustin de ce rose si immatériel, il place autour de lui herbe par herbe, touche de couleur après touche de couleur, un champ et des fleurs nouvellement sortis de terre. Je n’irais pas au bout de ma pensée si je ne parlais pas de cet arbre à ses pieds, dont la nature, semble-t-il, lui rend impossible de projeter une ombre, et les feuilles semblent donc briller d’une lumière par elles-mêmes, d’une couleur d’or qui leur donne l’apparence de fruits, portés par un tronc qui semble à la fois dans la vitalité de sa jeunesse et porter la sagesse d’une longue expérience, qui aurait tout vu, qui aurait tout élevé. Cet arbre d’un autre temps, comme parent de tous ceux qui peuplent la terre.

Saint Augustin, Fra Angelico

Peindre l’arbre

Peindre un arbre (extraits du livre Portraits d’arbres)

Notes de carnets :

L’arbre peut amener la compréhension que le particulier et l’universel se confondent. L’arbre peut faire éprouver sa singularité, son unicité, et il paraît alors plus proche de nous qu’il n’y paraît, plus semblable, un ami.

Un arbre qui occupe une place centrale n’obstrue en rien ce qui est autour de lui, mais au contraire dévoile le ciel, étend notre perception du sol, des alentours. L’arbre qui semble vivant devant moi fait revivre ce sur quoi mes yeux se posent, il m’assigne la possibilité de sentir la douceur de ce moment. Peindre un arbre, c’est aussi s’effacer pour qu’il puisse se déployer en puisant dans mon expérience de la peinture, et souffrir le moins possible de « mon feu », de mon orgueil, de mes craintes et incertitudes. En le mettant dans une position centrale, j’admets qu’il peut l’occuper, et qu’il suffit.

*

Comment évoquer tout cela sans se confronter au simple, au réel ? Comment chercher dans la créativité cette force, si la créativité me pousse à me dérober à ce qui doit être dit, peint ? Un arbre que je croise, s’il m’appelle à être peint, comment parler de lui, de sa simplicité, si j’ai peur de l’idée même de le peindre ? Certes parfois, c’est le bruissement des feuilles qui m’aura touché, alors je dois peindre ce bruissement sans avoir peur de cet affrontement.

Je parle en fait de mes recherches sur le tulle, où l’effet de transparence des couleurs devenait un prétexte pour ne pas peindre, ce qui est pourtant la source de cette nécessité. Je peignais l’idée d’une transparence, je jouais avec l’idée de la créativité, du tulle, de sa prise dans l’espace, pour ne plus avoir à me soucier du réel. Les idées créatives doivent servir ce but de chercher le vrai, sinon elles sont un leurre.

*

Portrait d’arbres : il y a l’idée du portrait, c’est à dire peindre un être qui est devant soi, découvrir l’âme qui est derrière, essayer d’en peindre l’essence. C’est bien le seul moyen de ne pas être attaché à la volonté d’acquérir une certaine ressemblance visuelle. Donc dans le portrait, on est aussi redevable de la personne que l’on peint, elle a un regard sur notre travail et surtout on est redevable de la peindre sans caricature, sans faire de raccourci et donc en essayant d’être au plus prêt de la vérité. Quand je fais un portrait d’arbre je me sens aussi redevable de l’arbre en face de moi. Certes il ne peut pas voir mais il est quand même là, comme un miroir de ce que je peins. S’il n’a pas d’yeux pour voir, moi je l’ai vu, ou plutôt il s’est laissé voir, et ce que j’ai vu je dois y être fidèle. Sa sérénité, sa paix, sa constance, voilà envers quoi ma peinture est redevable.

*

Les arbres m’ont appris la peinture. La couleur, les ombres les lumières. les écouter, les suivre, leur mouvement. Je ne sais rien sans eux, ils sont mes maîtres.

Maîtres

Les maîtres en ces lieux (extraits du livre Portraits d’arbres)

Notes de carnet :

Il y avait à côté de chez nous de grands thuyas qui avaient grandi en toute liberté au stade municipal de Thomery. J’aimais, après avoir parcouru leurs branches souples jusqu’à leur sommet, me jeter en avant dans le duvet de leurs branches.

La sensation était loin d’être duveteuse, c’était plutôt un tourbillon jusqu’à la collision avec les graviers du sol dans un bruit sourd. Mais toujours il y avait cette sensation étrange d’avoir été déposé là, par ces arbres, protégé tout au long de la chute. Cette expérience était comme un gage de confiance, si bien que la fois où je suis tombé d’un tilleul du jardin, là où pour d’autres enfants sans doute c’eût été vivre la désillusion d’une protection sans mesure, ou cela aurait pu engendrer une peur, une méfiance, je regrimpais aussitôt rétabli dans l’arbre avec la même confiance que je lui accordais, avec au fond de moi la leçon de cette chute : je n’étais pas maître en ces lieux.

Déchirement

Rester dans cet effacement (extraits du livre Portraits d’arbres)

Notes de carnets

Comme il est difficile d’écrire après la lecture de cette citation d’Etty Hillesum dans Une vie bouleversée.

Je voudrais n’écrire que des mots insérés organiquement dans un grand silence, non des mots qui ne sont là que pour dominer et déchirer ce silence. (p.117)

Et il m’est encore plus difficile de peindre après m’être préparé. Car c’est dans cet effacement que je veux rester, et donc surtout je voudrais ne rien laisser comme trace. Mais sans doute par la même force discrète qu’une graine peut devenir une forêt, en silence, sans laisser de trace, sans désaccord, je peux moi-même me laisser pousser une peinture. Elle saura peut-être apparaître dans ce même silence.

Bosquet

Pourtant ce petit bosquet à la sortie d’un champ… (extraits du livre Portraits d’arbres)

Notes de carnets :

Je suis entouré des couleurs de l’automne et pourtant je ne le remarque que rarement, mais quand c’est le cas je suis émerveillé par toutes ces nuances, du vert au marron, par la couleur jaune, rouge, orange, presque vive dans les bouleaux, dans les feuilles de sureaux, dans les liquidambars (il y a plusieurs grands spécimens au jardin des plantes de Nantes, devant lesquels je suis passé des centaines de fois sans y faire attention), dans les acers japonica, dans la couleur terre des feuilles prêtes à tomber, mortes.
J’ai du mal à dire feuilles mortes depuis que j’ai lu ce passage de Thoreau qui les compare à des fruits – je ne dis pas des pommes mortes après tout, alors qu’elles sont aussi prêtes à se détacher !
Toutes ces couleurs, c’est un plaisir d’abord, pour les yeux, pour cette partie de moi qui aime leur douceur, leurs variations qui sont comme des mélodies, qui m’emportent un peu dans leur légèreté. Mais si ce n’était que cela, n’aurais-je pas cette envie irrépressible de trouver d’autres arbres aux couleurs plus étonnantes, aux forêts plus flamboyantes ? N’aurais-je pas ce désir d’aller voir les forêts canadiennes, d’érables rouges, qui sont tels que Thoreau les voit s’enflammer ? En cette saison d’automne les petits arbres à l’orée des bois s’enflamment d’abord dit-il, précédant l’embrasement total des forêts d’érables rouges.

Pourtant ce petit bosquet à la sortie d’un champ n’était pas un appel à aller voir d’autres bosquets ou de chercher d’autres bois, d’autres forêts. Il m’appelait au contraire à me rapprocher de lui, à faire attention au rythme du changement de ses couleurs. Oui, ses couleurs sont plus ternes. Mais elles me demandent de me rapprocher, encore et encore, pour y voir dans ses simples nuances de bruns, toutes les couleurs, présentes entièrement, dans ce petit lieu au milieu de nulle-part. C’est un monde à part, qui paraît terne à première vue, mais possède en fait toute la gamme des couleurs de ce qui pousse et de ce qui se détériore. Ces couleurs accompagnent le cycle de ce qui vit et meurt au sein de ce petit bosquet, et c’est l’impression qu’elles suffisent.
Quand je suis proche du bosquet, assez pour entendre ses chuchotements, c’est en moi que je suis. Et le terne que je ne voulais pas voir prend soudainement des couleurs qui n’ont pas de nom dans ce monde. Ce n’est plus du gris, du terre, du marronnâtre. C’est une mélodie de nuances qui donne vie, qui est vie et donc à laquelle j’appartiens. Et ces couleurs deviennent mes couleurs, celles que je veux porter au devant du monde.
Il faut toujours que j’en revienne à des descriptions qui sont proches de ce que j’ai senti, vécu, et pour cela il faut que je retrouve ce souvenir comme s’il résidait tout entier dans une pièce, qu’il fallait la trouver et y être invité pour revivre ce souvenir et le restituer. Ce bosquet que j’ai croisé en voiture – et cette précision ne doit pas donner à cette vision un sens de précipitation – c’est comme si j’y étais encore, plusieurs heures plus tard et des centaines de kilomètres plus loin, debout face à sa frondaison, l’écoutant, cherchant à comprendre son mystère par ses mouvements de feuilles et de branches et par ses couleurs comme j’aimerais réussir à les peindre.